Texte de la Soirée Discussion du 18 janvier 2017 : Contre les répressions... Posons la question sociale !

mercredi 22 février 2017

Après la Soirée Discussion "Contre les répressions... Posons la question sociale !" que nous avions organisée le 18 janvier, nous partageons avec vous le texte ainsi que les liens vers les extraits vidéos qui ont servi de support aux échanges.

Le Collectif de Vigilance Antifasciste 22, a organisé cette soirée afin d’échanger sur la situation actuelle, dans une période où, campagne électorale oblige, la politique nous est servie plus que jamais comme une affaire de spécialistes. Entre une tranche de "primaires", une tranche de petites phrases assassines, ce qu’il nous faut avaler, c’est encore et toujours la confiscation de la démocratie,
la soumission à un système qui précarise, brutalise le plus grand nombre pour le bénéfice de quelques-uns.
Né du triste constat de la généralisation des idées d’extrême droite, de la dérive autoritaire du pouvoir et du refus de s’en accommoder, le CVA 22 vous propose de commencer une autre campagne : celle de nos échanges et des luttes à faire vivre pour poser, comme seule urgence, la question sociale.
Nous introduisons l’échange par quelques réflexions et quelques vidéos et on vous propose ensuite de prendre la parole.

Nous avons décidé de repartir du dernier mouvement social d’ampleur, la mobilisation contre la Loi Travail, qui a duré plus de 4 mois. Loi qui démantèle encore davantage le droit du travail et va encore plus loin dans le démontage des garanties collectives que les lois et contre réformes qui se sont succédées avant elle.
Il s’agit toujours de briser tout cadre commun et de laisser l’individu seul, employable, jetable, managé et finalement unique responsable de son parcours.
Dans la lutte contre la loi Travail et son monde, nous nous sommes confrontés au rouleau compresseur de la répression et de la manipulation. Quand nous n’arrivions plus à compter ni nos blessés ni nos camarades arrêtés, poursuivis, le spectacle de vitrines brisées de commerces ou d’un hôpital pour enfants s’étalait à longueur d’antennes. Il fallait faire regarder ailleurs, dissimuler la violence sociale d’un gouvernement aux bottes du Medef en agitant le spectre d’une violence incontrôlée.
Au total, près de 600 blessés, dont certains graves et plus de 700 poursuites judiciaires, une loi imposée par la force avec le 49.3.
On a été confronté au recours massif aux gazages en plein visage, aux armes mutilantes (flash-ball, grenades de désencerclement, LBD 40...). Les médias, ont évoqué du bout des lèvres, notamment lors du tabassage du lycéen de Bergson, des abus, des "bavures". Mais ces violences policières ne sont pas des dérapages. Comme le dit le sociologue Pierre Douillard-Lefévre qui a lui même perdu un œil suite à une blessure par LBD : [Cette violence] est le produit d’une logique structurelle, qui s’inscrit dans un processus d’impunité généralisée et de militarisation de la police en germe depuis deux décennies.

Cette violence de la police, n’est rien d’autre que la violence de l’Etat qui assure la pérennité d’un système profondément inégalitaire. L’essentiel étant que les capitalistes continuent à engranger les profits pendant que leurs nombreuses victimes sont réduites au silence, précarisées, divisées, réprimées quand elles se révoltent. Lors des mobilisations contre la loi Travail, ce ne sont pas seulement les vilains cagoulés comme on dit à la télé qui ont subi le harcèlement policier, mais tous les manifestants : les syndicats se sont vus imposer le parcours des manifestations, proposer le rôle d’auxiliaires de police (ce que certains malheureusement n’ont pas fortement dénoncé...), la Bourse du Travail a été nassée à Paris. Car, ce dont il s’agit c’est bien de criminaliser toute contestation sociale, de dresser un mur entre la "population" qui reste sous contrôle et ceux et celles qui se battent encore, de tracer la frontière entre un "eux" et un "nous". Les syndicalistes d’Air France et de Good Year en ont fait l’amère expérience, licenciés pour certains d’entre d’eux, condamnés à la prison ferme pour d’autres, pour des actions qui ont toujours fait partie de l’histoire du mouvement ouvrier.

Cette criminalisation croissante des mouvements sociaux entre en résonance avec la violence que subissent depuis de longues années, dans un silence presque total, les classes populaires qui vivent dans les quartiers de relégation. Adama Traoré est la dernière victime en date de la politique de maintien de l’ordre dans les quartiers, aux relents racistes et coloniaux : l’histoire de la BAC, suffirait à le prouver, elle est directement issue des anciennes brigades de la police coloniale.
La liste des victimes des pseudo bavures serait bien longue à égrener, l’impunité dont jouissent ceux qui les ont abattu est presque totale.

Une des problématiques à laquelle nous avons à faire face est la généralisation de la question identitaire. Depuis quelques années déjà, les questions de classe (le chômage, la précarité, l’exploitation, le triomphe du capital sur le travail...) sont devenues inaudibles sous l’obsession identitaire. C’est bien évidemment le FN qui a dégainé en premier il y a trois décennies déjà : sans immigrés, plus de chômage, plus de délinquance. Mais la stigmatisation des étrangers, des français d’origine étrangère, s’est répandue comme une traînée de poudre, se moquant bien des frontières entre la droite et la gauche. Un premier ministre socialiste s’est ému de l’impossibilité pour les Rroms de s’intégrer, s’est permis d’ appeler les musulmans à la responsabilité quant aux terroristes, justifiant toutes les essentialisations, les amalgames... Partout, on entretient ces amalgames, on joue de la confusion pour diviser les oppriméEs, ainsi il suffirait d’aborder la question du voile pour trouver des féministes même dans les rangs des plus réactionnaires.
Cette cacophonie accusatrice a été facilitée par le contexte crée par les attentats islamistes. Le gouvernement et une grande partie de la classe politique se servant de la peur pour brouiller les cartes. Après le passage en force de la Loi travail, qu’est-ce qui a défrayé la chronique durant tout l’été ? Le port du burquini sur nos belles plages françaises... alors que chez nous, la femme a toujours été libre n’est-ce pas Mr Sarkozy ? On ne va pas s’encombrer avec des statistiques comme : 1 femme qui meurt tous les 3 jours sous les coups de son conjoint ou ex conjoint, 1 viol toutes les 10 minutes, 25% de retard de salaire, etc, etc

La promulgation de l’état d’urgence, renouvelé sans cesse depuis janvier 2015, sous couvert de lutte anti terroriste a permis un tour de vis supplémentaire pour faire taire les contestataires.
Des syndicalistes de Good Year, aux zadistes dont l’évacuation annoncée a été précédée d’un durcissement de la loi au mois d’octobre dernier (concernant notamment le port de masque et de cagoule) en passant par les soutiens aux migrants à Calais ou ailleurs (plusieurs militants sont poursuivis pour délit de solidarité, à Calais comme dans la Vallée de la Roya).
Comment ne pas penser, malgré les contextes très différents à l’état d’urgence proclamé pendant la guerre d’Algérie. Si Hollande n’est pas allé jusqu’à remettre en place les pouvoirs spéciaux, ses propositions reprennent l’esprit des dispositions d’alors : prolongation renouvelée, assignation à résidence par le ministère de l’intérieur de toute personne dont le « comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics », dissolution des associations et regroupements qui « participent, facilitent ou incitent » à la « commission d’actes portant une atteinte grave à l’ordre public ». La seule différence tient au fait que le gouvernement n’ a pas retenu les clauses de 1956 permettant de censurer la presse, la radio et les spectacles. Au vu de la docilité des médias actuels, c’était une peine inutile...

Nous vous faisons partager ces mots d’Aïssa Traoré, sœur d’Adama, lus sur le site de Mediapart. Je cite : Les violences d’État ont cette année largement débordé des quartiers populaires, ont pris place dans les centres-villes et dans les campagnes. Les victimes des violences physiques commises par l’État ne se trouvent plus uniquement dans les quartiers. Paris, Nantes, mais aussi les ZAD comme celles de Sivens ou de Notre-Dame-des-Landes, ont vu couler le sang des manifestants, à coups de flash-balls, de grenades, de gaz lacrymogènes et de matraques.
À chaque fois, ces violences physiques d’État se sont ajoutées à des dénis de démocratie : projet pharaonique imposé à des populations ici, ou 49-3 utilisé pour la sixième fois depuis 2012, la dernière fois au lendemain de la mort de mon petit-frère Adama…

Peut-être la prise de conscience de cette répression partagée permettra-t-elle de tisser des solidarités actives entre ceux et celles qui ont eu, jusque là, du mal à trouver le chemin des luttes communes pour imposer la justice sociale. Cela doit en tout cas nous faire réfléchir, à comment prendre en compte les différentes perspectives et en finir avec les dominations qui malheureusement, se rejouent parfois dans nos propres rangs, quelles soient de de classe, d’origine, ou de genre.
C’est à cette condition qu’ils ne pourront empêcher le Printemps d’arriver !

Un petit clin d’œil pour finir, si vous voulez porter une cagoule sans risque, entrez dans la police !


La plateforme du CVA 22

Le Collectif de Vigilance Antifasciste 22 est d’abord né d’une réaction, d’une volonté d’action contre la propagation des idées d’extrême­-droite qui s’est concrétisée à Saint­-Brieuc par l’appel à un rassemblement contre l’accueil des migrants. Il n’était pas question pour nous de leur laisser la rue.

Au-­delà de cette initiative, les organisations et individuEs alors réuniEs sont tombées d’accord pour que la contre ­offensive s’inscrive dans la durée, au vu de la (...)